Au cours du quotidien, il n’arrive pas un seul instant sans que nos émotions soient influencées par l’environnement qui nous entoure : le bruit des travaux qui nous irrite, le rayon de soleil qui allège notre humeur, apercevoir mamie au coin de la rue… Nous sommes constamment sous l’influence de notre environnement. Mais lorsque l’on côtoie un chien, ce chien devient lui aussi un élément de notre environnement ; et nous en devenons un pour lui. En définitive, nous influençons notre chien, et notre chien nous influence.
Qu’est-ce que la contagion émotionnelle ?
Combien de fois avez-vous été irrité par votre compagnon qui tire en laisse ? Combien de fois avez-vous été subjugué par l’un de ses progrès ? Combien de fois avez-vous été soulagé de le voir se blottir contre vous quand vous n’étiez pas bien ? Et si je vous disais que l’inverse est aussi vrai ? Que vous influencez constamment l’humeur de votre chien ? En avez-vous déjà eu conscience ? Aujourd’hui j’aimerais même aller plus loin : en dehors de vos actes, vos émotions elles-mêmes influencent votre chien (et inversement, celles de votre chien vous influencent).
Ce phénomène, lorsque l’émotion ou le comportement d’un individu engendre une réponse identique chez un autre individu, est appelé contagion émotionnelle. Elle a lieu par le biais de neurones spécifiques : les neurones miroirs. Pour illustrer leur fonctionnement, prenons un exemple : lorsque l’on pratique une activité, disons jouer de la guitare, certaines zones du cerveau sont stimulées ; lorsqu’on entend quelqu’un en jouer ou si l’on s’imagine jouer, les neurones miroirs stimulent exactement les mêmes zones du cerveau. De la même manière, lorsqu’on ressent de la tristesse ou lorsqu’on voit quelqu’un être triste, notre cerveau le vit sensiblement de la même façon. Cette action des neurones miroirs ne se limite donc pas seulement aux émotions, mais aussi aux comportements conscients (jouer de la guitare) et inconscients (bailler, sourire, …).
Des études démontrent cependant que cela dépend de l’intensité de l’émotion ou du comportement (par exemple, voir quelqu’un arborer un sourire de politesse ne nous influence pas autant que quelqu’un qui saute littéralement de joie) et pourrait également dépendre du lien que l’on entretient avec l’autre individu : plus on est proche, plus on tendrait à se laisser influencer. Il ne faut pas non plus négliger la part d’expérience qui peut entrer en conflit avec ce mécanisme : si on est peu sensible aux bébés ou au contraire jeune maman, on ne réagira pas de la même façon devant un nouveau-né, par exemple.
Les facteurs influençant la contagion émotionnelle
Pour commencer, prenons en compte une différence de taille entre le chien et l’humain : l’humain réfléchit beaucoup, constamment. Il analyse, il décortique, il synthétise, il imagine, il envisage… Bref, la principale dimension de l’humain, c’est son mental. Le chien, lui, n’a pas tout ce bagage, il vit dans l’instant présent, il observe, il découvre, il écoute, il voit ; on dit qu’il est dans l’émotionnel, qu’il vit à travers ses sens et non à travers son mental. Cette différence est importante à prendre en considération pour comprendre une chose : votre chien sera beaucoup plus rapidement influencé par vous que vous par lui, tout simplement parce qu’il ressent avant de réfléchir.
Prenons pour exemple un chien qui arrive en face de vous pendant votre balade. La première réaction de l’humain, c’est de se mettre à réfléchir : comment gérer cette situation ? Est-ce que ce chien est gentil ? etc. Pour le chien au bout de votre laisse, par contre, il va tout de suite partir dans l’émotionnel : oh chouette un copain ! ou au contraire, oh nooon, ça ne me dit rien de bon… et réagir en conséquence : se tendre, s’arrêter, se jeter en bout de laisse ou autre.
L’autre chien continue à se rapprocher, l’humain commence à devenir inquiet, sa réflexion l’amène à devenir de plus en plus pessimiste : Et si ce chien n’est pas gentil ? S’il s’en prend au mien ? Le chien va percevoir ce changement subtil dans l’état de son propriétaire. Lui qui était peut-être déjà anxieux va voir son état émotionnel se dégrader encore davantage, il va se faire plus grand, hérisser son pelage, gronder…
L’humain, voyant son chien devenir de plus en plus menaçant va stresser encore plus et paniquer. Il commence à ne plus être lucide sous l’effet des émotions et va s’agripper à la laisse, tirer son chien, le rappeler ou autre, n’importe quoi pourvu que ça ne finisse pas en bagarre. Sentant la panique de son humain et le comportement inapproprié que celui-ci adopte, le chien risque fort de paniquer à son tour, et c’est là qu’on obtient une belle bombe à retardement en bout de laisse : si le chien s’approche trop, ça va dérailler à coup sûr.
Ce n’est qu’un exemple, mais il en existe des milliers d’autres où chacun influence l’autre avec ses émotions et au final, on crée un cercle vicieux où chacun réagit de plus en plus négativement. Si cette contagion émotionnelle ne pose pas toujours problème, il est néanmoins nécessaire d’en prendre conscience pour éviter au maximum ces cercles vicieux.
La gestion émotionnelle de l’humain : la clé pour apaiser son chien
Et pour cela, rien ne vaut… la gestion émotionnelle du propriétaire ! Respirez ! Relativisez ! Gardez votre calme au maximum et réagissez pour éviter la situation inquiétante avant de paniquer ! Plus vous réagirez avant de paniquer, plus vous pourrez rester réfléchi, conscient de ce que vous faites et précis sur la manière de faire. Évidemment, il n’est pas toujours possible de tout anticiper, mais plus vous vous habituerez à garder la tête froide en toutes circonstances, plus votre chien aura de chance de rester calme lui aussi (ou en tout cas, il pourra se concentrer sur ses propres émotions au lieu de devoir gérer et les siennes et les vôtres en même temps).
On peut également agir sur l’orientation de notre émotion. Par exemple, vous désirez que votre chien saute au-travers d’un pneu, mais vous êtes persuadé qu’il ne va pas le faire, que vous allez vous ridiculiser devant les autres propriétaires… bref, vous êtes stressé ou réticent, et votre chien perçoit cette émotion liée au pneu : il risque effectivement de passer à côté, simplement parce que ça le stresse aussi. Par contre, si vous vous dites que le pneu c’est génial, que tout le monde va être bluffé par la performance de votre chien et qu’il va adorer sauter ; en bref, que vous associer une image positive au fait de passer le pneu, il y a déjà plus de chances qu’effectivement, votre chien passe au-travers, parce qu’il se rendra compte que le pneu a l’air sympa d’après vous. On peut donc se servir de la contagion émotionnelle pour favoriser nos apprentissages et gagner en précision, simplement en influençant nos émotions.
Un autre procédé que je trouve très intéressant, c’est qu’on peut carrément travailler sur nos émotions dans le but d’apaiser le chien. Au lieu d’être stressé, de marcher rapidement, de faire vite ci ou ça… prenez le temps de respirer ! Une balade ne sera jamais plus apaisante que dans le calme, en flânant de-ci de-là sans vous préoccuper de rien. Pour nos loulous, qui sont souvent très émotifs et même stressés, il est très intéressant de leur offrir des moments de détente où ils pourront relâcher la pression : en accumulant constamment de la tension sans jamais se détendre, c’est un peu comme remplir un vase, à un moment, ça va déborder. Que ce soit en balade ou chez vous, prenez le temps de vous détendre, de faire quelque chose d’apaisant avec votre chien, et laissez-le se relaxer, lui aussi. Je vous promets que plus vous introduirez des moments de détente, plus vous aurez un chien relax et capable de gérer ses émotions face à des éléments nouveaux ou perturbateurs.
La contagion émotionnelle c’est dans les deux sens !
Mais parlons un peu de la contagion que le chien peut exercer sur l’humain, vous voulez bien ? Elle est subtile, pour la raison que j’ai évoqué tout à l’heure : notre mental occulte notre émotionnel la plupart du temps. Pour en prendre conscience, pas de miracle, il faut apprendre à laisser notre mental de côté et être pleinement dans le moment présent ! Mais quand on se laisse prendre au jeu, ça peut devenir un outil très intéressant pour, par exemple, repérer des situations problématiques.
La lecture du langage canin, c’est bien, mais parfois, ça peut rester un peu confus pour le commun des mortels (tout le monde ne fera pas 3 ans d’études, soyons honnêtes, et certains signaux peuvent prêter à confusion, par exemple bailler : chien fatigué, ou chien mal à l’aise ?) ; en ce sens, se laisser influencer par les émotions de notre chien peut aider à savoir quand il est détendu ou non. Cela peut également permettre de comprendre un blocage : je veux apprendre à mon chien à se coucher, mais pour une raison inconnue il ne le fait plus. Est-ce que je dois insister ? Est-ce que quelque chose le dérange ? Est-ce qu’il a mal quelque part ? etc. Elle peut également permettre de détecter des problèmes physiques (toujours en complément d’un examen visuel, d’une visite chez un vétérinaire ou chez un ostéopathe), ou de déterminer ce dont votre chien a besoin à un moment T : par exemple, votre chien vous regarde intensément depuis deux minutes en remuant de la queue, est-ce qu’il veut jouer ? manger ? sortir ? des caresses ? souvent, il vous donnera lui-même la réponse ! N’avez-vous jamais pensé à remplir la gamelle d’eau de votre chien au moment précis où il se levait pour aller boire alors qu’elle était vide ?
Quelle que soit son utilisation, la contagion émotionnelle peut donc être bien pratique, que ce soit de l’humain vers le chien, que du chien vers l’humain. Mais attention à garder cela un minimum sous contrôle ; voir votre chien mal à l’aise ne doit pas vous faire stresser et paniquer pour autant ! Il est intéressant d’en utiliser les avantages, mais il est surtout nécessaire d’en maîtriser au mieux les inconvénients pour éviter les cercles vicieux ! Alors, on essaie ?